La QVT sent des pieds
La QVT est l’acronyme de la qualité de vie au travail. Il est communément admis que la qualité de vie au travail désigne les actions qui permettent de concilier à la fois
- L’amélioration des conditions de travail pour les salariés ET
- La performance globale des entreprises.
Le raisonnement est imparable : meilleure est la QVT, meilleures sont les performances des salariés et donc celles de l’organisation qui les emploie.
Des salariés motivés tombent moins souvent malades.
Des salariés qui se sentent à leur place n’ont pas envie de regarder ailleurs.
Des salariés qui n’ont pas sans arrêt le nez dans le guidon innovent, optimisent les façons de faire et se soutiennent les uns les autres.
Tout cela est documenté, analysé, présenté par pléthore d’intervenants chevronnés et d’experts sur le sujet.
Et que croyez-vous qu’il se passe ? RIEN.
Si vous voulez mon avis, ce truc de performance, ça n’intéresse déjà pas grand-monde. Alors les conditions de travail… Aucu, aucu, aucune obligation !
La QVT, une obligation légale
Puisque c’est comme ça, on va légiférer, se disent les autorités. Les États doivent en effet réparer les pots cassés de la dégradation généralisée de la QVT couplée à la montée inexorable des burnouts.
Les conséquences commencent à piquer méchamment : les personnes touchées mettent des années à récupérer. Leur prise en charge pèse sur le système de santé. Et puis, manque de bol, tous ces gens cramés ne sont pas remplaçables par les IA. C’est ballot. Parce que ouais, vous pouvez tourner le problème dans tous les sens, au travail, on ne peut pas se passer des humains.
On comprend pourquoi la QVT a été dotée d’un cadre légal rien que pour elle. En France, depuis 2013, l’accord national interprofessionnel (ANI) définit ce qu’est la QVT. En 2020, histoire de bien enfoncer le clou, l’ANI modifie le terme QVT en QVCT. Le « C » c’est pour « conditions de travail ». Pour être sûr que tout le monde comprenne bien de quoi il est question.
Et ça marche ? Non, désolée de vous décevoir, il ne se passe TOUJOURS RIEN.
Bon chef, qu’est-ce qu’on fait ?
En 2025, l’Europe en remet une couche. Le volet social de la directive européenne sur la RSE fixe des normes de reporting – autant d’indicateurs fiables que tout baigne ou qu’au contraire, il y a une c*uille dans le pâté.
- Le taux d’absentéisme
- Le nombre d’accidents du travail
- Les maladies du travail
- Prévention des risques psycho-sociaux (RPS)
- Santé mentale et soutien psychologique : c’est le pourcentage de managers formés à la prévention des RPS.
Ce qui ne manque pas de sel : les managers sont en première ligne pour prévenir, détecter et signaler l’occurrence des risques… Et ils constituent une des populations à haut risque de burnout.
Résultats
Côté pile : des grandes lignes toujours plus explicites et détaillées sur ce que sont de bonnes conditions de travail, qui intègrent le mode de management et la reconnaissance dans la culture d’entreprise, prennent en compte la santé mentale et mettent l’accent sur la prévention des risques psycho-sociaux. Tout cela associé à une exigence de reporting sur des indicateurs spécifiques…
Côté face : les cas de burn-out se multiplient. Le stress chronique au travail fait des ravages. Les managers sont déboussolés. Les services RH sont à bout.
Le stress chronique et l’absence de QVT ont des conséquences terribles : un fort taux d’absentéisme, un turnover élevé, l’attractivité de l’employeur en berne. Et cela concerne tout le monde : public, privé, secteur associatif…
Bref, la QVT sent des pieds.
Les errements des politiques de QVT
Pour être honnête, je dois admettre que certaines organisations n’ont pas attendu que le législatif s’en mêle pour s’attaquer au sujet. En réponse aux arrêts maladie, au stress, aux cas de burnout et pour limiter le turnover, elles ont pris des initiatives.
Certaines ne sont pas allées chercher bien loin. Un babyfoot dans le lobby et youpi ! Affaire classée. Si vous faites partie de ces suppôts de Satan qui avez investi 1000 € pour vous acheter une conscience sociale, je vous souhaite de rôtir éternellement dans les flammes de l’enfer.
D’autres se sont engouffrées dans le tourbillon du bonheur au travail. Et vas-y que je te nomme des Chief Happiness Officers qui n’ont jamais eu le plus petit commencement d’information sur les missions qu’iels sont censés remplir. Une enquête de 2016 révélait que 40 % de ces CHO étaient des stagiaires. C’est dire. En 2025, entend-on encore parler des CHO ? Maintenant on trouve du deux-en-un : des responsables qui cumulent RSE et communication d’entreprise. Je dis ça, je ne dis rien.
Et puis il y a toutes ces organisations qui se mettent littéralement en quatre pour chouchouter leur staff. Elles forment leurs managers, proposent des ateliers de confiance en soi et de gestion du stress. Toujours à l’affût de techniques innovantes pour soutenir leurs salariés, elles investissent dans des outils de développement personnel.
Pour quels effets ? Peut-être que cela vous dit quelque chose…
Cette cheffe de service certifiée MBTI qui fait un burnout. Ce consultant champion de la communication non-violente qui craque face à la pression de son client. Cet employé de centre d’appel, formé à la gestion du stress, dont le dos se bloque.
L’impasse du développement personnel
Depuis que je fais ce métier, j’en ai suivi, des formations à des modèles de développement personnel, de communication, de management, de gestion du stress… Chaque fois, j’ai été enthousiasmée, voire bluffée. Quand j’ai découvert mon profil MBTI, je me suis sentie enfin comprise et reconnue dans mon essence. Ouah mon profil, il claque, quelle personne extraordinaire – me suis-je exclamée dans mon for intérieur. Le problème, c’est que passé ce shoot délicieux pour mon ego, je n’ai rien pu tirer de ce machin fumeux de quoi améliorer mon mode de management ou « mieux gérer mon stress ».
Les ressources émanant de scientifiques qui savent de quoi ils causent ainsi que ma pratique du coaching ont fait évoluer le regard que j’avais sur le développement personnel.
- Le gros atout des modèles de personnalité c’est qu’ils ont été mis au point par des génies du marketing. Ils ne reposent sur absolument rien de scientifiquement prouvé. Mais bon, ils se vendent très très bien. Et très très chers.
- Profiler mes clients avec l’ennéagramme ne les a jamais aidés concrètement dans leur travail. En revanche, j’ai pu observer comment ce moment centré sur leurs qualités, leurs besoins et leurs ressources les a aidés à récupérer un début de considération pour eux-mêmes. Quand une personne est en burnout, à contempler avec horreur ce qu’elle considère être un échec personnel, un shoot pour l’ego, ce n’est pas rien.
- Le plus gênant dans les outils de développement personnel, c’est l’adjectif « personnel ». Pour vous donner une idée du caractère lunaire du développement personnel, rien ne vaut une expérience en CNTP.
Prenons un manager très expérimenté.
Sa direction lui enjoint de « faire des efficiences » dans son équipe. Il n’est pas d’accord, ne trouve pas ça logique car il n’y a pas de perte d’activité, mais il s’exécute. Comme il y a moins de monde pour faire le taf, que les CDD ont remplacé les CDI, des clients se plaignent de la qualité de service. L’ambiance dans l’équipe se détériore.
Que croyez-vous qu’il se passe lors de son entretien d’évaluation ? Son N+1 ne lui adresse que des reproches : bouh, tu as failli, no bueno, no bonus !
Conséquence : le stress de notre manager augmente en flèche.
Et maintenant dites-moi, à quoi ça peut bien lui servir de se découvrir ESTJ ? À mieux gérer son stress ? À être plus efficace ?
Le développement personnel ne dépasse pas le niveau de la mer…pardon… le périmètre de l’individu. Exit de l’équation : le contexte, la nature et les modalités du travail, les relations avec les collègues (l’équipe, les pairs, les N+…).
Les outils, formations et modèles qui ne prennent en compte ni le contexte, ni l’organisation du travail, ni le système relationnel sont inefficaces pour aider les salariés. Au travail, le développement personnel, c’est du pur bullshit.
Les mesures « à la Gaston »
Quand je pense vie au travail, je pense immédiatement à Gaston Lagaffe. Dans la grande maison d’édition qui l’emploie, il occupe un poste à temps plein de « garçon de bureau ». Il s’ennuie à crever quand il s’agit de traiter le courrier des lecteurs. Ce pour quoi il est payé.
En revanche, il déploie des trésors d’énergie et d’ingéniosité quand il s’agit de prendre soin des animaux que le hasard a mis sur son chemin, d’inventer des jeux, d’innover dans les domaines mécanique, culinaire, musical. Sans oublier de se ressourcer en piquant un roupillon pendant les heures de bureau. Et ça marche. Après une bonne sieste, il invente des tas de trucs.
Plus je découvre les activités estampillées QVT proposées aujourd’hui dans de grandes entreprises, plus je suis convaincue que la QVT de Gaston n’a rien à leur envier.
J’ai relu tous les albums (je suis très consciencieuse dans mon travail), et jugez-en par vous-mêmes. Siestes, frites party, babyfoot, yoga, aquariophilie, ateliers cuisine, jeux vidéo, crêpes et marrons chauds, ping-pong, billard, jokari, musique et chant, ingénierie, chimie amusante, confection de costumes pour les soirées déguisées, boxe, boomerang, puzzles… Je sais pas pour vous, mais pour moi ça me rappelle des trucs bien contemporains !
Qu’est-ce qui caractérise les « mesures à la Gaston » aujourd’hui ?
Elles excluent, pour une large part, les managers.
Si l’on s’en réfère à Gaston Lagaffe, on peut affirmer qu’il a une QVT au top. Qu’en est-il de ses malheureux managers, Fantasio et Prunelle ?
Ils font preuve de patience et de sollicitude. Ils rappellent le cadre de travail ainsi que les règles élémentaires de politesse. Ils travaillent beaucoup et adoptent un comportement exemplaire. Ils ont le sens de l’humour et participent aux fêtes. Ils interviennent pour désamorcer les tensions dans l’équipe. Il n’empêche, leur vie professionnelle est très dure.
Chaque jour apporte son lot de mauvaises surprises. Crâne fracturé, orteils écrasés, électrocution, empoisonnement, chutes… Leur travail est ponctué de séjours à l’hôpital.
Le pire, c’est leur niveau de stress : quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, Gaston ne fait rien de ce pour quoi il est payé. Le très strict directeur comptable n’arrive pas à mener un audit jusqu’au bout pour documenter convenablement la source des problèmes dans la rédaction. La signature de contrats prometteurs n’aboutit jamais, malgré des dizaines de tentatives de négociation. Quant aux activités « QVT », c’est bien simple, les managers en sont les derniers avertis.
Alors que Gaston s’épanouit au fil du temps, son management est au bord de la crise de nerfs. Plus les managers de Gaston s’épuisent à essayer de recadrer leur salarié farfelu, plus ils sont sanctionnés. Car les nuisances diverses impactent la qualité du travail. Vous pensez toujours qu’on parle de pure fiction ?
La fonction managériale attire de moins en moins de monde. Les managers investis dans leur rôle sont très à risque de burnout.
Si la QVT ne concerne réellement qu’une partie des salariés… C’est que ce n’est pas de la QVT.
Elles sont supprimées à la moindre crise.
Je réside au Luxembourg, où il y a beaucoup d’entreprises dans le domaine bancaire. Quand est arrivée la crise de 2008, elles ont toutes fait du « cost-cutting » pour limiter les dégâts. Ce qui a sauté le plus vite, c’est ce qui était considéré comme superflu. Vous me voyez venir ?
Les salles de sieste, les séances de méditation et les massages ont été supprimés.
Et pourtant, ce sont bien des mesures qui avaient été mises en place pour améliorer la QVT.
Si la QVT tient du luxe ou du gadget… C’est que ça n’a rien à voir avec la QVT.
Les risques dans la mise en place des politiques de QVT
Les éléments listés ci-dessous vous garantissent que tout ce que vous pouvez mettre en place comme mesures obtiennent ZÉRO RÉSULTAT sur la QVT des salariés.
Manque de corrélation
Une formation à la gestion du stress par ci, une corbeille de fruits frais pas là… Ce sont des tentatives isolées. Il n’est pas humainement possible de trouver un lien entre une formation à la gestion des émotions et un babyfoot.
La preuve, j’ai posé la question à une IA : « Quel est le lien entre une formation à la gestion du stress et un babyfoot ? ». Cette quiche a mis 5 secondes à me pondre une argumentation éclatée au sol. Ce qui prouve bien son inutilité abyssale. Vous me direz, cette réponse fait sûrement partie de l’argumentaire de vente des vendeurs de babyfoot ou des intervenants d’entreprise champions de pipeau. Vu le m*rdier actuel du monde du travail, je pense qu’ils constituent un lobby particulièrement puissant.
Des activités pensées majoritairement pour l’individu
Comprenez que c’est à l’individu de les intégrer et de les mettre en œuvre. En clair, si vous souffrez de stress chronique, c’est à vous de savoir comment gérer votre stress. Or, le stress au travail n’est pas dû à la faiblesse individuelle. Il est systémique.
Tout le monde n’en profite pas de la même façon
Un manager sursollicité ne profitera jamais d’un espace de sieste. De fait, les managers sont les premiers exclus des dispositifs mis en place pour améliorer la QVT. Fun fact : pour corriger le tir, certaines entreprises obligent leurs managers à faire leur séance de méditation. Haha je vois ça d’ici. Avis à tous les managers stressés : détendez-vous ! Comment imaginer qu’ils en retirent quoi que ce soit de positif ?
La QVT concerne toutes les personnes de l’organisation. Et quand je dis toutes, j’inclus évidemment les managers.
Elles s’affranchissent du contexte
Certaines activités se greffent à l’espace de bureau sans aucun lien avec les conditions de travail proprement dites. Si vous travaillez dans un endroit complètement délétère, à quoi ça va vous servir de gérer votre stress ?
Réponse : ça aura le même effet que le fait de faire pipi sous la douche ou de bien trier vos déchets au moment où le réchauffement climatique s’emballe. Vos actions, pour vertueuses qu’elles soient, n’en resteront pas moins dérisoires par rapport à l’ampleur du problème. Dit autrement : il est impossible de maîtriser les problèmes qui sont au-delà de votre périmètre de responsabilité.
Le stress c’est comme le réchauffement climatique : ce sont précisément ceux qui ont le pouvoir d’agir qui se déchargent de leurs responsabilités sur les individus.
La qualité de vie au travail, pour être pertinente, part d’une analyse de la situation, d’un contexte précis. Elle intègre les dimensions organisationnelles dans l’entreprise. Mettre en place la QVT, c’est adopter une approche méthodique qui s’appuie sur une stratégie au plus haut niveau.
Vous l’avez compris, tant que ceux qui décident ne sentiront pas leurs intérêts directs menacés par (rayez les mentions inutiles) les ravages du stress dans les équipes / le turnover / l’absentéisme / le réchauffement climatique… Je vous fiche mon billet qu’ils vont continuer sur la même (mauvaise) pente en gaspillant leurs sous dans le QVT-washing…
Plan stratégique de la QVT : les marges de manœuvre
La base : les conditions de travail
Les conditions de travail sont relatives d’abord à l’environnement de travail à proprement dit : physique, géographique, technique… L’accessibilité des lieux de travail, la configuration des bureaux, l’ergonomie sont des facteurs qui influencent la pénibilité et la survenue des troubles musculosquelettiques (TMS).
Ensuite, elles touchent aux conditions d’emploi: le niveau de salaire, l’égalité de traitement, le plan de carrière, les formations proposées dans le parcours professionnel, les marques de reconnaissance pour le travail effectué.
Enfin, elles ont trait au temps et à l’espace occupé par le travail. Cette question du temps est au cœur de la QVT. Démonstration par le contre-exemple : juste avant de se cramer complètement, les victimes de burnout n’ont plus que leur travail comme unique préoccupation. Le travail a envahi leur sphère privée (coucou le télétravail) et l’entièreté de leurs pensées. J’en ai tellement vu, des clients en burnout. Des personnes dynamiques, engagées, pleines d’idées et d’idéaux qui se retrouvaient rincées, détruites et réduites à l’état de zombies pendant des années.
Une QVT qui fonctionne passe par une réflexion poussée sur le travail, le temps qui lui est consacré et la place qu’il occupe dans la vie.
Il suffit de jeter un œil sur toutes les expériences pilotes autour de la semaine de 4 jours pour constater que les bénéfices sont plus nombreux que les inconvénients. Même chose du côté des employeurs. La semaine de 4 jours, c’est l’outil de fidélisation ultime. Et au moins, les objectifs QVT de bonne santé mentale, meilleur équilibre vie pro / vie perso sont atteints une bonne fois pour toutes.
À part si vous êtes un mystique, entré dans les ordres, le travail ne devrait pas être toute votre vie.
Division du travail : le levier organisationnel de la QVT
L’organisation du travail est la base du fonctionnement d’un groupe, dès que l’effectif atteint 2 personnes. Les petites organisations type startup, ou les organisations du milieu associatif ont souvent du mal avec cette idée. Elles se reposent sur l’idée que « tout le monde met la main à la pâte », que la polyvalence va de soi et que le rythme de travail à 100 à l’heure nécessite un engagement absolu… Ce faisant, elles fabriquent des bombes à retardement.
Au moment où elles auront le plus besoin de monde pour soutenir leur croissance, l’absence de cadre se paiera cash avec un niveau de stress insupportable. Leur image va en pâtir.
Pour celles dont le modèle économique repose sur une croissance rapide, supportée par le grossissement des effectifs, cela va coincer. D’une, les experts indispensables à cette croissance sont difficiles à trouver. De deux, ils sont tout aussi difficiles à fidéliser. Dans ce type de structure, le turn-over met à risque toute l’organisation. Il n’est pas rare que les salariés se voient proposer des jours de congés supplémentaires, voire des baby-foot… L’épanouissement au travail requiert des mesures autrement profondes.
Un cadre de travail épanouissant est un cadre structuré. Chaque poste de travail doit être défini par :
- Un contenu clair et des modalités précises… En d’autres termes, chacun sait ce qu’il fait et sait aussi qui fait quoi, qu’ils s’agissent de ses collègues, de ses managers, ou d’autres équipes que la sienne.
- Une bonne adéquation entre le rôle et les responsabilités. Comprenez que le pouvoir de décision doit correspondre à la fonction d’une personne. Ce niveau d’adéquation est une information clé du degré d’autonomie que votre salarié va avoir dans son poste. L’inadéquation entre rôle et responsabilité est un des plus grands générateurs de stress au travail.
Dimension collective : le levier relationnel de la QVT
La crise sanitaire a produit des phénomènes fascinants qui sont venus enrichir le vocabulaire des services RH (et leur mettre un petit coup de pression supplémentaire).
Vous avez entendu parler du quiet quitting ? Du quiet cracking ? Eh bien, plus j’y réfléchis, plus je me dis que ces termes sont mal choisis. J’ai plutôt l’impression qu’il s’agit de lonely quitting et de lonely cracking.
Allez lire n’importe quel article sur le sujet. Dans chaque histoire, les personnes qui souffrent au travail ont ce point commun : elles donnent le sentiment qu’elles travaillent de façon complètement isolée. Elles sont malheureuses, de plus en plus stressées et elles se désengagent inexorablement. Surtout, elles sont incroyablement seules.
Vous avez dû entendre un million de fois que nous sommes des animaux sociaux. Ne trouvez-vous pas curieux qu’étant incapables de nous passer de relations à autrui, nous ayons élaboré des modèles de travail faisant de plus en plus l’impasse dessus ?
Fini les espaces de bureau dédiés à une équipe. Vive les open space et le flex office ! Exit les discussions à la cantine ou à la machine à café. Terminés, les échanges informels entre collègues pour s’épauler, réfléchir ensemble à une meilleure façon de faire ou se former mutuellement. Bienvenue dans l’ère du télétravail et du développement personnel !
Et la solitude des managers, on en parle ? Pas étonnant qu’on en vienne à demander leur avis aux IA. Mais bon, pour ce que ça sert.
Les échanges par mails ou les logiciels ne pallieront jamais le déficit relationnel. Les allers-retours d’informations tous azimuts font penser à la petite mouche du coche qui s’agite pour pas grand-chose. C’est un véritable gaspillage d’énergie.
Imaginez un bâtiment construit avec plein de briques de toutes tailles. Pour tenir face aux tremblements de terre, il lui manque une composante essentielle : du bon mortier. Ben voilà, les relations au travail, c’est le mortier de l’organisation.
Une QVT qui fonctionne, c’est aussi un système relationnel et coopératif dense. Une façon évidente de prévenir les quiet-tout ce que vous voulez.
Conclusion
Même si la QVT sent des pieds, je continue à penser que ça vaut le coup de mettre régulièrement un bon spray d’akiléïne dessus.
D’abord, parce que le travail est effectué par des humains. Et que les humains ne sont pas remplaçables par des machines. Dit autrement, aucun employeur ne peut s’en passer.
Tout le monde gagne à l’amélioration de la QVT. En termes non seulement de prévention des risques psychosociaux et de diminution de l’absentéisme mais aussi en termes de satisfaction au travail et d’image. J’ai retiré les mots « efficacité » et « performance » de mon argumentaire parce que ces termes commencent sérieusement à me courir sur le haricot. C’est quoi un salarié efficace ? Posez la question à une IA : ce qu’elle décrit en fait, c’est juste un salarié qui répond aux critères de l’offre d’emploi. Si ledit salarié passe sa période d’essai, alors c’est qu’il est efficace et performant.
DONC. Miser sur une bonne qualité de vie au travail, ce n’est pas espérer plus de performance. La performance, elle est déjà là. C’est surtout faire preuve de hauteur de vue et préférer une stratégie de long terme à l’emploi de salariés jetables une fois qu’ils sont bien essorés. C’est revenir à l’essence de ce que devrait être le travail : un lieu de coopération et relations. Question de choix et de responsabilité.
Et tout ce que je peux écrire sur la QVT ne changera rien à ça.
Vous aimeriez passer à l’action et établir votre stratégie de QVT ?
Deux chemins s’offrent à vous.
Le premier est pavé de bonnes intentions. Il s’agit de continuer sur votre lancée de bullshit, mais de façon organisée. Facile, il suffit de programmer des actions QVT comme autant d’éléments qui vont adoucir les quotidien de vos salariés, avec de la coordination en plus. Je suis sûre que de nouvelles solutions miracles sont sur le point de sortir, ce serait dommage de passer à côté. Les résultats seront toujours les mêmes, mais pas pareils. Ce chemin est tout lisse. Vous n’y abîmerez pas vos chaussures. Mais il vous mène tout droit au cœur du Mordor.
De l’autre côté, il y a un chemin pas très bien entretenu, avec des herbes folles, des cailloux, des dénivelés. Il ne fait pas envie, mais il vaut la peine d’être essayé. C’est le chemin de l’écoute.
Ce qui vous apportera le plus d’éléments concrets dans Les moyens d’améliorer la QVT, c’est simplement d’écouter ce que les salariés ont à dire sur la façon dont ils perçoivent et vivent leur travail. Bien écouter, ça prend du temps. Il s’agit d’échanger avec l’autre pour bien capter tous ses messages : le verbal, le paraverbal, l’indirect.
Les cailloux et les dénivelés, c’est le travail colossal que va vous demander le fait d’écouter attentivement. On est d’accord, ça ira vachement moins vite que de demander son avis à une IA. Mais honnêtement : c’est un travail enthousiasmant, d’où émergeront toutes les solutions aux problèmes que vivent les équipes au quotidien. Pas forcément plus d’efficacité, ni plus de performance. Mais plus de motivation à se lever le matin pour aller au taf, ça c’est certain.
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